A monsieur Christian Saout
Président du CISS
Le 18 mai 2009
Monsieur,
Dans votre lettre ouverte aux sénateurs et aux députés vous fustigez, une fois de plus, les médecins libéraux et en particulier ces ignobles généralistes qui refuseraient de s’astreindre au service public après leurs journées de 13 heures de travail.
Ces nantis de médecins qui même s’ils n’arrivent qu’à la rémunération des généralistes tchèques, ne méritent pas, en réalité, de gagner leur vie avec leurs 70 heures de travail hebdomadaires et leurs 10 ans d’études non rémunérées pour la plupart des anciens. Non ils ne le méritent pas car après leur double plein temps de semaine, ils refusent de rajouter 10 heures de garde de nuit ou jour fériés. Un réel scandale, vous avez tout à fait raison de le souligner.
La nation, qui finance autant les universités de médecine que les autres a pourtant déjà trop sacrifié à ses fainéants qui dorment la nuit au lieu de travailler et parfois les 7 nuits de la semaine ! Incroyable ! Cette même nation qui leur paierait des sommes vertigineuses en charge sociale, tellement vertigineuses que le montant ne peut apparaître nulle part, ne pourrait pas, en retour, utiliser ces médecins de bas grade pour aller desservir des petites communes du fin fond des départements ruraux. Impensable ! Car s’ils sont taxés comme des libéraux, ces médecins qui sont à vous lire, finalement des assistés, sont en dette toute leur vie, de leurs études comme de leur contrepartie conventionnelle à la dégradation de leurs honoraires. Et oui, nous médecins généralistes libéraux, sommes les heureux bénéficiaires d’une médecine de premier recours qui ne permet même pas l’emploi d’une secrétaire à temps plein . Nous sommes les heureux bénéficiaires d’un travail qui ne nous laisse plus aucun loisir. Nous sommes les heureux bénéficiaires des réquisitions préfectorales, travail sous contrainte au pays des droits de l’Homme.
Vous avez parfaitement raison. Alors pour nous repentir, nous vous proposons, bien humblement et la tête basse, de nous admettre comme les vertueux médecins des hôpitaux dans les rangs des salariés de la fonction publique.
Nous accepterons sans état d’âme les 35 heures et même nous nous sacrifierons pour atteindre les 48 heures hebdomadaires s’il le faut. Nous sommes prêts à suivre la règle des congés payés, celle de la protection sociale intégrée et celle dictée par le code du travail.
Nous sommes même tellement prêts que beaucoup d’entre nous ne rêvent que de çà. Retrouver une vie de famille après un travail circonscrit dans le temps, quel luxe ! Ne pas être contraint par les réquisitions à dépasser les limites du possibles en matière de temps de travail, quel bonheur ! Etre protégé par une assurance réelle dans chaque moment de notre exercice, quel confort !
Et finalement, comme salarié médecin des hôpitaux notre gain horaire restera remarquablement plus élevé que celui d’un libéral.
Méfiez-vous donc d’un retour de bâton. Si tous les médecins libéraux deviennent salariés, alors les déserts fleuriront sans personne cette fois à vilipender et pour un coût autrement plus élevé. A force de décrire votre perception de la réalité vous nous offrez une raison supplémentaire pour fuir la médecine générale libérale.
N’oubliez pas que tout le mépris contenu dans vos propos ne servira qu’à empirer la situation déjà difficile des médecins généralistes encore installés et ne fera rien pour attirer les jeunes vers ce métier décrié et dénigré.
Mais les patients que vous êtes sensé soutenir n’ont rien à attendre de cet interminable concert de critiques amères délétères et stériles. Ils risquent fort, par contre, de regretter la disparition de cette profession.
Docteur Guillemette Reveyron
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