La permanence des soins……régulièrement la presse se fait l’écho de cet enjeu de santé publique, donnant la parole à ceux qui n’y participent pas, pour vous expliquer pourquoi vous ne trouvez plus de médecin de garde.
Le corps médical a toujours participé bénévolement à cette permanence indispensable et obligatoire. En 2002, tandis que les médecins généralistes travaillent 70 heures par semaine, se pose le problème du repos compensatoire. En effet, après une nuit ou un week-end de garde, les médecins officient immédiatement dans leurs cabinets.
Une convention est donc signée entre la CNAM et les praticiens libéraux. Si le médecin de garde n’a pas de repos compensatoire, en revanche il bénéficie désormais d’une rémunération de 150 euros par astreinte, d’une revalorisation des actes et du volontariat. Il est mobilisable par l’entremise du SAMU. Son nom disparaît du bloc note de votre quotidien. La France est découpée en 2500 secteurs dont 14 pour la Corse du Sud.
Sans être le meilleur, ce système apporta des changements profonds dans la reconnaissance de la pénibilité des gardes, et dans la liberté de choix pour les médecins d’y participer ou non.
Après plusieurs années d’existence et de bon fonctionnement, le pouvoir politique a réalisé que ce qui n’avait jamais rien coûté, avait en réalité un prix. Celui de rémunérer des médecins libéraux dans le cadre d’une mission de service public. Pour réduire l’impact financier de cette prestation, la convention a été modifiée malgré les contestations et le rejet massif du corps médical.
1ere mesure, suppression de la garde de minuit à 8 heures, jugée superflue. Ainsi, 100 euros par nuit et par secteur sont économisés, soit 250 000 euros par jour. Chers patients, comme vous le savez, la maladie ne frappe jamais après minuit. C’est pourquoi il n’est plus permis au médecin de garde de vous prendre en charge, car considéré comme un gouffre financier. En revanche, entre 20 heures et minuit, il est maintenu dans ses fonctions, car jugé rentable, avec son astreinte de 50 euros!
2éme mesure, agrandissement des secteurs, permettant la réduction de leur nombre de 2500 à 2000 (pour la Corse du Sud passage de 14 à 4 secteurs, éventuellement 6 par dérogation !). Résultat, 25 000 euros d’économies supplémentaires par jour.
Au total 100 millions 375 mille euros économisés par an, mais combien de patients délaissés et oubliés volontairement ?
Quelle valeur à donc votre santé pour les députés et sénateurs grassement payés par vos impôts. Eux qui bénéficient de privilèges et n’ont pas hésité à voter une augmentation de 40% de leur propre rémunération, sans oublier les avantages multiples. Les mêmes députés et sénateurs qui viennent de voter une loi pour pénaliser les médecins libéraux qui refuseraient de quitter leur région pour une autre ou nom de la désertification.
La permanence des soins est-elle nécessaire ou pas ?
Si elle ne l’est pas, comme semble le prouver les mesures prises par les gouvernements successifs, supprimons la et cessons de blâmer le corps médical pour son désengagement.
A l’inverse, si elle est indispensable, accordons des moyens financiers aux médecins afin qu’ils se mobilisent autour d’une tache ingrate, éprouvante et souvent dangereuse.
Savez vous qu’un médecin libéral en mission de service public, officie avec son véhicule personnel ou dans son propre cabinet. En cas de problème il n’est couvert par aucune assurance et ne peut pas bénéficier du régime accident du travail.
Quelle autre profession accepte des conditions d’exercice aussi pitoyables ?
Au-delà de ce constat, la réalité est beaucoup plus inquiétante. La désertification médicale ne reflète pas un problème de numerus clausus ou de vieillissement, mais plutôt un désenchantement général, dans une profession :
- qui oublie de se soigner, en ne connaissant pas l’arrêt maladie, l’accident du travail, les congés maternité et autres jours enfant malade!
- dont l’espérance de vie n’atteint pas 73 ans quand les chiffres de nos patients ne cessent de croître et dépassent 85 ans et ou le taux de suicide est en constante augmentation!
- qui génère moins de 4 mille euros de salaire mensuel pour 70 heures par semaine, quand nos confrères salariés gagnent la même somme avec 35 heures. Alors que les généralistes français perçoivent les revenus les plus bas de l’OCDE, notre médecine se classe parmi les meilleures au monde !
- ou le conseil de l’ordre doit faire face à une nouvelle maladie : le surmenage des médecins !
- qui nécessite 9 années d’études universitaires, et qui organise sa formation continue obligatoire sur ses deniers et son temps de repos !
- une profession libérale sous haute surveillance non pas pour sa compétence, mais sur les dépenses qu’elle génère pour vous soigner, constamment menacée de répression, de pénalités financières et autres entraves à la pratique quotidienne.
- une profession libérale rendu coupable de la désertification médicale des communes, celles là mêmes abandonnées par un Etat démissionnaire.
- une profession libérale en voie de disparition, qui n’a de libérale que le nom, sans cesse culpabilisée au nom de la vocation et du : « vous avez choisi ce métier ! »
- une profession qui pourtant ne vous a jamais trahis.
Une telle profession n’attire pas les jeunes recrues ! Quitte à ne pas s’enrichir, autant céder aux sirènes du salariat, 35 heures, vie de famille, couverture sociale, congés payés et retraite. Pas d’investissement financier, pas de prise de risque. C’est le calcul que font plus de 60% des étudiants en médecine. Mais peut-on décemment le leur reprocher ! La vocation n’est plus à la mode et un système aussi méprisant ne fait rien pour les encourager.
La PDS ne représente finalement que la partie émergée de l’iceberg. Celle la plus visible d’une relation entre médecin et malade à un moment où l’inquiétude de l’isolement face à la souffrance apporte une touche dramatique.
A l’échelle régionale, Ajaccio, vallée de la Gravona, vallée du Prunelli et Rive Sud, soit 80 000 habitants, des propositions concrètes, adaptées, peu coûteuses et rapidement réalisables, ont été faites en octobre 2008 aux institutionnels.
Une vingtaine de médecins étaient prêts à réintégrer le tableau de garde, avec 2 cabinets d’astreintes aux moments stratégiques de la semaine, samedis dimanches et jours fériés de 8 heures à 20 heures. Réception des patients au cabinet du médecin sans visites à domicile. La tranche horaire de 20 heures à minuit est laissée aux bons soins de la régulation téléphonique libérale et au grand nombre de généralistes qui s’occupent de leurs patients durant cette période. Finalement, si la loi interdit l’usage du généraliste après minuit, pourquoi s’acharner sur lui avant minuit.
Les possibilités techniques relatives à ce projet et sa rentabilité ne peuvent être contestées. Bien que moins coûteux et plus efficace, il a été rejeté. Les institutionnels préfèrent pérenniser un système qui ne fonctionne plus et qui coûte 110 000 euros par an, au détriment d’un système chiffré à 94 000 euros annuels répondant réellement à vos besoins!
De nombreuses réunions ont été organisées avec la Préfecture, le Conseil de l’Ordre des médecins, la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales, et l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie, depuis janvier 2008 pour en arriver à cette fin de non recevoir.
Les politiques veulent une prestation de service peu coûteuse, quotidienne, sur des tranches horaires qui les intéressent, sans assurances ni couvertures pour les médecins, sur un territoire de plus en plus vaste (4 médecins de garde pour toute la Corse du Sud !)
Les généralistes ne veulent plus être pris pour des idiots ni tenus pour responsable d’une situation qu’ils n’ont pas choisie. Notre seule préoccupation reste votre santé, mais nous ne pouvons nous substituer aux manquements de l’Etat.
Le dialogue semble impossible entre ceux dont la seule obsession est de dépenser moins, et des médecins dont le seul objectif est de vous soigner mieux. Pourtant des solutions existent :
- réforme avec des incitations fiscales à l’image de ce qui se pratique pour les entreprises.
- création de postes salariés (sous forme de praticien attaché au service public) pour les médecins participants aux gardes également.
- investissement des collectivités et de leurs élus dans les secteurs ruraux pour financer de manière cohérente et attractive la permanence des soins.
Malheureusement le mot d’ordre face aux requêtes des médecins reste le mépris, la réponse aux problèmes : la maîtrise comptable. Une triste conclusion : le grand perdant c’est vous.